30 mai 2008

Le ministère de 1791 à 1964

Historique des structures du ministère de la justice : le ministère de 1791 à 1964.

 → Les directions des affaires civiles et du sceau, des affaires criminelles et des grâces

Le décret du 17 avril-25 mai1791 définit les trois grandes tâches qui seront celles du ministère durant de longues années : service du sceau, publication et envoi de textes officiels, correspondance avec les tribunaux.

C'est entre le Directoire et la Restauration que sont (selon Pascal Durand-Barthez. Histoire des structures du ministère de la Justice 1789-1945. Paris, PUF, 1973) "disposées les deux masses de granit autour desquelles s'ordonnance le ministère" : les divisions civile et criminelle.

A l'origine chargées de la correspondance avec les tribunaux, elles se voient confier peu à peu d'autres attributions :

  • pour la division civile : le notariat (an IV), l'organisation judiciaire (an IX), l'état-civil (an XII).
  • la division criminelle se structure à partir de 1809 autour de quatre bureaux : questions criminelles, correctionnelles (celles-ci fusionnant par la suite), cassation, grâces.
    Le bureau des grâces et des questions de cassation apparaît à partir de l’an XII : le droit de grâce est exercé par l’empereur aidé d’un conseil privé mais c’est le ministère qui instruit ses décisions. En 1809, les attributions du bureau des grâces éclatent entre d’une part la division civile, qui hérite de l’établissement des étrangers et des dispenses, et d’autre part la division criminelle qui reçoit les recours en grâce proprement dits.

La direction des affaires criminelles et des grâces prend son appellation actuelle dès1814, celle des affaires civiles et du sceau en1831, avec la suppression de la commission du sceau et le transfert de ses deux bureaux au sein de la direction. Les attributions du sceau de France (titres nobiliaires, armoiries, naturalisations, dispenses pour mariage) reviennent à la direction des affaires civiles. En 1856, un bureau gérant les officiers ministériels est rattaché à la civile.

La direction des affaires criminelles et des grâces est restructurée en1823en deux bureaux : affaires criminelles d'une part, grâces et cassation d'autre part. C’est en 1816qu’apparaît dans l'organigramme l'intitulé bureau de législation. Jusqu’au milieu du XXe siècle, le service législatif pénal fait partie des attributions du premier bureau. En 1840, cette organisation est complétée par un troisième bureau chargé des statistiques pénales et civiles : il résulte de l'institution du compte général annuel des affaires judiciaires et des condamnations (établi à partir de 1825 pour les affaires criminelles et 1831 pour les affaires civiles). Enfin en 1856, la direction s'adjoint un quatrième bureau pour l'ordonnancement des frais de justice criminels après la suppression de la direction de la comptabilité. Avec 33 personnes en 1885, elle est la direction la plus importante du ministère. Elle se distingue également par la grande instabilité de ses directeurs (jusqu'en 1884, on en compte 12 en 14 ans), à la différence des affaires civiles et sans que l'on puisse expliquer cet état de fait. Le rythme se ralentit ensuite à partir du début du siècle.

La structure de la direction des affaires criminelles et des grâces est confirmée par le décret du 9 juin 1909relatif aux fonctions des différents services et à la répartition des personnels de l'administration centrale. Toutefois, de nouvelles attributions apparaissent : la préparation des conventions internationales d'extradition (1er bureau, affaires criminelles), les libérations conditionnelles (Jusqu'en 1911, l'administration pénitentiaire étant rattachée au ministère de l'intérieur, les dossiers de libération conditionnelle sont soumis à un comité consultatif de libération conditionnelle, présidé par le directeur de l'administration pénitentiaire et comprenant des représentants des ministères de l'intérieur et de la Justice. Après le rattachement de l'administration pénitentiaire à la justice, les dossiers sont toujours soumis au comité consultatif (où le ministère de l'intérieur ne siège plus) puis la décision est prise par arrêté du garde des sceaux. (2ème bureau, grâces)), la surveillance des opérations de liquidation des biens des congrégations (4ème bureau, frais de justice).

C’est sous la Troisième République que les attributions relevant de l'élaboration de la législation prennent une importance croissante. C’est ainsi qu’en 1884 la direction des affaires civiles et du sceau est chargée d’une nouvelle compétence - la préparation des projets de lois et décrets - et suit l'évolution de la législation en matière civile (recours en attribution de l'assistance judiciaire, protection de l'enfance, syndicats, assistance judiciaire, liquidation des biens des congrégations, accidents du travail, etc.). L'importance prise par les questions de nationalité et de naturalisation renforce également le rôle du bureau du sceau (les naturalisations jusqu’alors de la compétence du sceau, relèvent à partir du décret du 24 décembre 1945 du ministère de la Santé publique et de la population). A la veille de la réforme de 1964, la direction des affaires civiles et du sceau se structure ainsi : législation générale, organisation judiciaire, contrôle des professions en France et en Algérie, contentieux de la nationalité et sceau, assistance judiciaire.


 → La direction du personnel et de la comptabilité

Outre ces deux directions, les attributions relevant du personnel, de la comptabilité et des pensions sont mises en place dès 1791, soit sous forme de direction ou de division ou même de simples bureaux fusionnés ou non suivant les périodes. Une stabilisation de ces structures interviendra avec le décret du 9 juin1909 qui institue une direction du personnel et de la comptabilité.

Elle était à l'origine composée de trois bureaux : personnel, comptabilité, service social. Par la suite, elle subit divers aménagements, notamment après la loi du 31 décembre 1936 qui institue un type de personnel original : les magistrats de l'administration centrale. Avec le décret du 2 décembre 1959, elle devient la direction du personnel et de l'administration générale. Elle est alors organisée en deux sous-directions : personnel et affaires financières. Le décret du 14 avril 1962 dispose que le directeur exerce les fonctions d'inspecteur général des services judiciaires.

Jusqu'en 1964, la direction du personnel et de l'administration générale assure la gestion des personnels tant magistrats que fonctionnaires, pourvoit à l'équipement mobilier et immobilier de l'administration centrale et des services judiciaires, gère les services communs et centralise les opérations budgétaires et comptables.

Par le décret du 25 juillet 1964, ces attributions sont réparties dans deux nouvelles entités : la direction des services judiciaires et la direction de l'administration générale et de l'équipement.


 → La direction de l’administration pénitentiaire et les services de l’éducation surveillée

La loi de finances du 13 juillet 1911provoque un changement important, en transférant au ministère de la Justice la direction de l'administration pénitentiaire, créée le 9 janvier 1858 et jusque-là confiée au ministère de l'intérieur. Toutefois, dans les faits, la DAP conserve encore une certaine autonomie. D'une part, le préfet demeure l'intermédiaire et l'intervenant au nom du garde des sceaux, d'autre part le personnel de cette direction, exception faite du directeur, est détaché du ministère de l'intérieur. De plus, l'inspection générale des services administratifs du ministère de l'intérieur reste compétente pour les prisons.

Le 20 août1926, cette direction est fusionnée avec la direction des affaires criminelles. Il s'agit en fait d'une simple juxtaposition sous les ordres d'un directeur unique. En 1935, un décret rétablit l'autonomie en créant une direction de l’administration pénitentiaire et des services de l'éducation surveillée. Le personnel de l’administration centrale de cette direction est désormais soumis aux mêmes conditions de recrutement et aux mêmes règlements que le reste du personnel du ministère.

Entre 1911 et 1958, deux attributions principales sont assumées par la direction : la gestion (personnel, financière, équipements, travail pénitentiaire), l'application des peines et la libération conditionnelle.

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale (en août 1944, la DAP est réintégrée au sein du ministère de la justice après un bref passage sous la dépendance du secrétariat d'Etat à l'intérieur sous le gouvernement de Vichy), l'organigramme de la DAP, minimaliste, reflète l'état de la direction après une période difficile. En1945, la grande réforme des prisons conduite par Paul Amor, résumée à travers quatorze principes dont les principaux concernent l'instauration d'un service social et médico-social dans tout établissement pénitentiaire, l'institution du magistrat chargé de l'exécution des peines (revendication constante des magistrats depuis le rattachement) et la formation du personnel dans une école technique spéciale, voit ses effets se refléter dans l'organigramme de l'administration centrale avec l'apparition en 1958 de l'action sociale et post-pénale (héritières des sociétés de patronage et des œuvres).

Dans les organisations ultérieures se précisent ces nouvelles missions de réinsertion sociale qui se rattachent toujours à l'application des peines. Outre l'action éducative et médico-sociale, le développement des actions en milieu ouvert est continu : la probation et l'assistance post-pénale devient la probation et l'assistance aux libérés (suivi de la mesure de sursis avec mise à l'épreuve et instruction des dossiers soumis au comité consultatif de libération conditionnelle).

A la veille de la réorganisation de 1964, la direction est structurée en deux sous-directions : application des peines (études et documentation, détention, probation et assistance post-pénale) d’une part, personnels, bâtiments et exploitation, d’autre part.

La protection judiciaire de l’enfance, telle que nous l’entendons aujourd’hui, remonte à l’ordonnance du 2 février 1945 qui entend mettre fin au scandale des "bagnes pour enfants", comme on appelait les colonies pénitentiaires mises en place par la loi du 5 août 1850, et proclamer enfin la prééminence de l’éducatif sur le répressif. Elle institue un corps de magistrats spécialisés, les juges des enfants, établis à raison d'un par tribunal. Ceux-ci, selon l'article 375 du code civil relatif à l'assistance éducative des mineurs en danger, peuvent prescrire des mesures éducatives diversifiées et en assurer le suivi. Ces mesures peuvent être confiées par le juge soit à un service ou à un établissement du secteur public, soit à une structure relevant du secteur associatif : observation et éducation en milieu ouvert ; placement en foyer, en internat, semi-internat ou chez une personne "digne de confiance" ; placement dans le service départemental d'aide à l'enfance, etc. Sont également mis en place des postes de fonctionnaires avertis des problèmes de rééducation des mineurs tels que pédagogues, médecins, psychologues. Cependant, il s'agit encore de "surveiller et punir". On prône l'éloignement des villes, le régime strict de l'internat, les bâtiments du type caserne, une discipline militaire ou monacale. Sont néanmoins mis en place des ateliers, sur le modèle de ceux de l’éducation nationale, ayant pour finalité de rééduquer par le travail manuel voire de commencer l’apprentissage d’un métier.

Une série de textes précise l’organisation et le fonctionnement de l’éducation surveillée : définition du statut des éducateurs spécialisés, nouveau régime des institutions publiques d'éducation surveillée, règlement des rapports de l'Etat avec les institutions privées de rééducation.

Une seconde ordonnance du 1er septembre 1945 consacre désormais l'éducation surveillée, jusque-là sous-direction de l'administration pénitentiaire, comme une direction autonome dont la vocation non plus répressive mais éducative est d’assurer la prise en charge des mineurs délinquants ainsi que la protection de ceux dont l'avenir apparaît gravement compromis en raison des insuffisances éducatives et des risques qui en résultent pour leur formation ou même pour leur santé physique.

La direction de l'éducation surveillée s'organise alors autour de trois bureaux : institutions d’Etat, institutions privées, affaires judiciaires. Jusqu'en 1958, la structure de la direction reste sensiblement la même, si ce n'est la création d'un autre bureau intitulé "études" qui coordonne les commissions d'étude et de recherche, établit des statistiques, gère la documentation.

En 1960, les moyens de l’éducation surveillée sont encore limités : 300 éducateurs venus de l’administration pénitentiaire et de l’éducation nationale, 8 internats de rééducation et 4 centres d’observation ; le secteur privé associatif gère un potentiel déjà plus important. Le IVe plan d’équipement prévoit alors, à partir de 1961, la mise en place d’un grand nombre d’établissements. Ceux-ci se répartissent en deux catégories : d’une part, les I.P.E.S. (instituts professionnels de l’éducation surveillée) et les I.S.E.S. (institutions spéciales de l’éducation surveillée) héritiers des grands établissements ; d’autre part, des petits établissements auprès des tribunaux (milieu ouvert : consultations d’orientation et d’action éducative - C.O.A.E.).

Les gros efforts d’équipement ainsi entrepris mettent ainsi à jour deux conceptions différentes : d’une part, celle de grands établissements à l’image du passé, situés dans des zones rurales et capables d’accueillir un grand nombre de mineurs et, d’autre part, l’idée d’ouvrir de petites structures placées auprès des tribunaux afin de mettre en œuvre des actions en milieu ouvert. Cette ambiguïté peut expliquer la crise qui se manifeste en 1964 avec la disparition de l’éducation surveillée en tant que direction : elle devient un service tandis que pour la première fois, les termes protection judiciaire apparaissent dans la nomenclature d'un bureau (le second).

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